samedi 5 janvier 2013

CompStat : l'outil de baisse de la délinquance 1/2

Le CompStat : l'outil de surveillance de la délinquance

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En France le modèle de la pratique policière est celui de la réactivité, parvenir le plus rapidement possible sur le lieu du trouble, le 17 (comme le 91 aux États-Unis) a cette fonction. Ce qui suppose deux éléments : le trouble est présent et il faut se rendre le plus rapidement possible sur les lieux. Ici "le modèle professionnel" est celui de l'alliance du policier et de la voiture d'intervention. Le commissariat central gère et dispatche les informations, les voitures sont géolocalisées et peuvent ainsi êtres choisies en fonction de la localisation du délit et du véhicule de service. La place de la prévision dans ce système peut-être interrogée : la création de la section "violences urbaines" au sein des RG est cette tentative pour ne plus subir mais devancer. Lucienne Bui-Trong (commissaire et ex professeur de Philosophie) part de la supposition que les émeutes ne surgissent pas sans des signes avant-coureurs. La vigilance à l'environnement permettrait donc de pouvoir anticiper ces secousses, les indicateurs de renseignements jouent se rôle si l'on sait les interpréter. Elle formalise sur une échelle de 1 à 8 les étapes de ce processus : 

 L’échelle de la violence urbaine
                                                        (source : Lucienne Bui Trong)
Degré 1
Actions contre les particuliers :
- Vandalisme sans connotation anti-institutionnelle gratuit (on sort de la
délinquance)
- Délinquance crapuleuse en bande (racket, dépouille) rapport de force,
domination
- Razzias dans les commerces organisation, préméditation
Rodéos et incendies ponctuels de voitures
Rixes, règlements de compte entre bandes concur rence
Degré 2
Premières actions anti-institutionnelles :
- Provocations collectives contre les vigiles
- Injures verbales et gestuelles contre les adultes du voisinage, les porteurs
d’uniforme, les enseignants
- Vandalisme furtif contre les écoles, postes de police, voitures de
professeurs, locaux publics
Degré 3
Agressions physiques contre les agents institutionnels autres que
policiers, gendarmes ou magistrats :
- Agressions sur les porteurs d’uniformes (contrôleurs, pompiers, militaires,
vigiles), travailleurs sociaux, enseignants, etc.
Degré 4
Premières agressions contre la personne des policiers, gendarmes
ou magistrats :
- Attroupements injurieux
- Lapidation de voiture de patrouille
- Menaces téléphoniques
- Manifestations devant les commissariats
Degré 5
Aggravation des agressions contre les policiers, gendarmes
ou magistrats :
- Attroupements vindicatifs freinant les interventions
- Invasion du commissariat
Degré 6
Actions préméditées et organisées contre policiers ou
gendarmes :
- Attaque ouverte du commissariat
- Embuscades, guets-apens, pare-chocage, volonté de blesser
Degré 7
Mini-émeute :
- Vandalisme massif (saccage des vitrines, de voitures, jets de cocktails
Molotov), durée brève, de 3 à 30 auteurs
- Absence d’affrontement avec les forces de l’ordre
Degré 8
Emeute :
- Vandalisme massif (saccages, pillages, incendies)
- Affrontements avec les forces de l’ordre ou guérilla, plusieurs nuits

Cette échelle était d'une grande aide pour anticiper les émeutes, mais pour cela il fallait que le renseignement produit soit de qualité. La section urbaine des RG devait produire des statistiques précises sur les faits de violences. Or cette précision était en même temps dérangeante car elle impliquait une véritable explosion des chiffres de la délinquance. Il fallait accepter provisoirement ce fait afin de permettre une maîtrise du processus. Les mesures de sanctions et la culture du chiffre conduisent au contraire à un jeu d'écritures où magiquement les données se transforment au gré des besoins du commissariat au regard de ce que l'on attend de lui.

C'est ce défi que la France n'a pas relevé alors qu'outre atlantique dans le même temps une révolution d’importance allait s'accomplir : celle du Compstat.

Le Compstat :

Il s'agissait de produire à travers un reengenering des services de police du NYPD (voir article NYPD), il fallait pouvoir compter sur un outil statistique fiable permettant de connaître pour chaque quartier, chaque rue, l'état exact de la délinquance afin de proportionner les forces de l'ordre aux dangers potentiels. Le résultat au cœur de la doctrine de la tolérance zéro fut prodigieux dans la baisse de la délinquance. En tapant Compstat New York on peut ainsi visualiser la délinquance pour toute la ville mais aussi quartier par quartier et rue par rue, et ce avec un décalage par rapport à la police de seulement 48 heures. très loin donc d'un bilan annuel comme en France. La transparence sur les chiffres de la délinquance est devenu un objet de promotion aux États-Unis et non un sujet d’opprobre. La généralisation du Compstat à la plupart des villes américaines en fait un outil extraordinairement fin dans la compréhension de la cartographie de la violence.




La visualisation permet aussi la prévisibilité, c'est ce que fait IBM avec un outil qui vient se nourrir des chiffres collectés depuis maintenant plus de 10 ans pour permettre d'intervenir avant même que le délit soit produit, police prédictive et non plus réactive qui permet de remplir le rôle exact de prévention que la population attend de sa police.


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