dimanche 4 novembre 2012

La réglementation sur les armes aux Etats-Unis - 1/2


 Lorsque l'on regarde les États-Unis avec notre regard européen nous ne pouvons nous empêcher de penser qu'il y a une corrélation directe entre les crimes de sang et l'abondance et l'accessibilité des armes. Nous voyons une Amérique qui se déchire car elle ne peut s'empêcher de produire le crime qu'elle réprouve par ailleurs. Nous voyons ce shérif de Virginie qui dit attendre de la population qu'elle soit son assistante dans la lutte contre le crime et la protection de la propriété, un homme abattu par des policiers alors qu'il les menaçaient avec un couteau alors qu'en France il aurait été neutralisé sans le recours aux armes létales;  nous voyons surtout une culture des armes qui n'existe pas sur le vieux continent. En exemple cette campagne d'affichage qui cible les femmes pour la promotion de la détention et du port d'armes use d'arguments multiples : la protection contre les criminels impose le self défense qui permettrait d'assurer une protection permanente contre les dangers qui guette le citoyen. Les minorités doivent assurer leur protection, les enfants doivent apprendre très tôt à se servir des armes à feu, la protection du foyer est le leitmotiv principal de cette campagne. De même que la charge porte
souvent contre la police qui ne peut être présente pendant le délit, arrivant toujours trop tard il faut être en mesure d'assurer sa propre protection. L'invisible de chaque affiche étant que le criminel aussi possède une arme et qu'il se la sera procurée de toute façon, contrôle des armes ou non. En fond nous avons une culture à la fois parente et éloignée entre la France et les États-Unis.

La place et le rôle de la police sont très différents en France et aux États-Unis :
- en France il y a une délégation de la force vers la police, il y a une exclusivité de sa détention par les forces de l'ordre.
- Aux États-Unis la police est d'abord strictement limitée à un rôle de maintien de l'ordre, ainsi la tâche de trouver les criminels est confiée aux citoyens eux-mêmes.D'où la fonction de "détective" qui au États-Unis était d'abord une fonction confiée aux privés.

C'est aussi le statut de la "légitime défense" qui est différent. En France la légitime défense possède une place très particulière : elle suppose que la réponse soit strictement proportionnée à l'attaque, tant du point de vue des armes que de la puissance de la riposte. Ce qui suppose que la fuite soit considérée comme un moyen de la légitime défense. De même qu'aucune anticipation n'est possible, le fait de s'armer préventivement pouvant être interprété comme une préméditation qui neutralise la possibilité d'évoquer la légitime défense. Au contraire le sens de la légitime défense aux États-Unis est extensif, la sauvegarde de sa vie suppose une anticipation possible de l'attaque, chaque État fixant les limites et le cadre de cette légitime défense.



On voit ci-contre une cartographie qui épouse pour chaque État la législation sur la détention d'armes et le port d'armes. Ce port la plupart du temps, lorsqu'il est autorisé après obtention d'un permis, doit être apparent. C'est-à-dire que la légitime défense soit visible dans la possibilité de riposte du citoyen à une menace sur sa vie ou ses biens.

L'interprétation du "second amendement" de la constitution américaine est la pomme de discorde des partisans et adversaires de la vente et de la détention des armes à feu. Pour les uns l'interprétation est extensive pour les autres limitative.




Le deuxième amendement de la Constitution pose le droit de «garder et de porter des armes». Mais faut-il entendre ce droit comme individuel ou collectif ? Dans le cas d'un port collectif il faut entendre que c'est à la collectivité de régler le droit individuel de port d'armes, c'est le collectif qui régit l'individuel. Lorsque le cadre est individuel il faut entendre qu'il n'existe pas de limitation à ce droit, il est inaliénable. Lorsqu'il est collectif on peut poser que la détention d'armes peut avoir pour objet le cadre  «d'une milice bien contrôlée et nécessaire à la sécurité d'un État-Libre».


Cette polémique est aujourd'hui réglée, la Cour suprême des États-Unis à tranchée pour la première interprétation : le droit    individuel de posséder et porter une arme est renforcé et applicable à tous les juridictions fédérales.Ce jugement est survenu au lendemain d'une procédure attenté par un vigile contre le district de Columbia. Il faut rappeler que ce district est l'un des plus sévère sur la réglementation des armes individuelles. Dès 1976 la municipalité administrant la capitale a adopté des lois restrictives sur la possession des armes. Ce vigile demandait à conserver son arme de service pour retourner dans son quartier, connu comme dangereux. La cour d'appel a donné droit au plaignant, d'où la décision d'un recours devant la Cour suprême par le district de Columbia.



L'annulation de la loi du district ne vise d'abord que l'interdiction de porter une arme sur soi. Ce qui ne signifie pas que toutes les restrictions disparaissent : les établissements publics, les écoles sont des lieux sans armes à feu.

S'appuyant sur le fait qu' "une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé". A 5 voix contre 4 la décision "McDonald versus Chicago" entérine que "le deuxième amendement garantit le droit individuel de chacun de conserver et de porter une arme à feu pour servir des intérêts légaux, notamment l'autodéfense chez soi".  Cette décision portée par la plus haute cour américaine servira certainement de jurisprudence dans tous les procès qui interviendront certainement contre les États limitant sa détention. 







200 millions d'armes circulent aujourd'hui aux États-Unis pour un total de 300 millions d'habitants.



Les minorités sont visées, s'armer peut devenir le moyen de défendre ses droits.


Comme l'enfant qui doit apprendre très tôt à protéger sa vie.





Désormais le débat se déporte vers l'achat et la détention des fusils d'assauts, enterrant le dossier des armes de poings réglé par la Cour suprême.



On peut penser que la législation française supposerait une modification de son cadre pour permettre une redéfinition de la légitime défense (et d'abord pour les policiers - cf art. "vers un droit de légitime défense pour les policiers" - oct) moins limitative.  Aux États-Unis la situation est différente car la culture de l'arme est aussi celle d'un peuple qui l'assimile à la défense même de sa souveraineté. Il faut se défaire aussi de l'idée d'un pays en proie à la délinquance : la délinquance violente non mortelle est désormais loin de la situation française, en ce sens la stratégie policière américaine est un succès.




Il faut comprendre que la culture de l'arme aux États-Unis est une culture citoyenne : être américain cela signifie aussi posséder une arme pour pouvoir se dresser contre le gouvernement si ce dernier veut empiéter sur la liberté du peuple. Si 40% des foyers américains déclarent détenir une arme c'est justement pour assurer sa propre défense, ce que le second amendement nomme "milice" et qu'il faut comprendre comme l'addition des citoyens. Le droit de détention ne peut donc pas souffrir d'une restriction, comme celle de placer l'arme dans un coffre (comme en Afrique du Sud par exemple) car dans ce cas la légitime défense est empêchée ou freinée. Car le second aspect de la détention concerne la possibilité de faire police chez soi, c'est-à-dire de défendre avec son arme sa vie, sa famille, ses biens. Le second amendement confirme bien, la Cour Suprême l'exprime clairement, la possibilité de posséder une arme, sans que cette propriété puisse être limitée. L'administration américaine se heurte à une institution aussi importante que celle du Parlement pour les américains lorsqu'elle veut limiter la vente ou la circulation des armes. Le traçage des armes est encore impossible et les "foires aux armes" où les particuliers se défont de certaines armes n'engagent aucun papier ou formulaire. On en dénombrait plus de 5000 l'an passé sur le territoire américain.  

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